Foulard au lycée
Fin janvier, fin du 1er semestre (le système scolaire allemand partage l'année en 2 semestres), salle des profs en pleine effervescence, on fait les bulletins, on met les notes, on fait les moyennes, et bien sûr, le proviseur prévoit les départs en retraite (oui, à la fin du semestre aussi) et l'arrivée de nouveaux collègues... le lycée a un besoin urgent d'un(e) collègue qui enseignerait l'allemand et l'instruction civique et politique...
Donc, voilà un mercredi fin janvier, j'arrive dans la salle des profs, et je vois ma collègue prof d'allemand et d'ICP en pleine discussion avec une jeune femme portant un jean, une petite robe chasuble sur un pull rouge et enfourladisée... assise à ma place... j'ai un mouvement de recul... noooooon!!!!!!!!!!!!!!! pas parce qu'elle est assise à ma place, mais j'ai cru que c'était une élève de terminale... et je me suis demandé si les terminales avaient le droit exceptionnellement de rentrer dans la salle des profs... on ne sait jamais... j'ai pris mes affaires qui étaient sur la table, et je suis allée m'asseoir à une table.
Sur le chemin du retour, ma collègue m'annonce que c'est la nouvelle prof...
Ah bon...
elle était un peu... comment dire... surprise... d'autant plus que d'autres collègues ont commencé à protester... mais quand le proviseur lui dit: Le ministère nous a envoyé une nouvelle collègue, vous devez lui donner toutes les infos pour qu'elle commence le 2 février, ben... y a rien à faire...
le lendemain, grandes discussions dans la salle des profs... les pour... les contre... moi, je leur ai dit tout de suite que j'étais contre... une bonne fois pour toutes... les jeunes dames parmi les collègues étaient neutres... et estimaient que chacun(e) pouvait s'habillait comme il voulait et mettre ou ne pas mettre le foulard...
Les délégués du personnel ne l'entendaient pas de cette oreille et ont écrit une lettre au proviseur et au ministère pour dire qu'ils refusaient une prof enfourladisée... ils n'ont rien contre elle personnellement, mais elle doit enlever son foulard quand elle est dans l'établissement... et elle a été informée de cette lettre par le ministère...
Le surlendemain, il y avait un article dans le journal de la ville, comme quoi le proviseur refusait une enseignante parce qu'elle porte un foulard...
Tout le monde se demandait QUI avait donné cette nouvelle au journal... j'ai lu l'article, et je leur ai dit que ca venait des conseilleurs de cette jeune dame... ca ne pouvait venir de personne d'autre...
Il faut dire qu'elle avait été déjà renvoyée d'un lycée de Rhénanie-Westphalie après un procès qui a duré 6 ans parce qu'elle refusait d'enlever son foulard... alors, elle a déménagé dans notre région parce que chez nous le foulard n'est pas interdit (ben oui, chaque Land a ses lois, à cause du fédéralisme)...
Et maintenant, voilà... les journaux en parlent presque chaque jour, tout le monde est bien embêté parce que ce n'est pas une question de racisme ni d'être contre l'Islam, mais de correction...
Hier, je suis allée voir le proviseur et je lui ai demandé s'il était au courant que je suis musulmane... il était étonné, il ne le savait pas... ben oui, on ne m'a jamais demandé ma religion... et là, je l'ai assuré de mon soutien dans cette affaire... si on l'accuse d'être contre l'islam, il peut dire qu'il a depuis plus d'un an une enseignante musulmane et il n'y a jamais eu de problèmes ni de discussions... Moi-même je ne sais pas si mes collègues sont catholiques, musulmans ou athées et ca ne me viendrait pas à l'idée de le leur demander... ce sont mes collègues, un point c'est tout...
Mais quand une prof arrive avec un foulard, c'est qu'elle veut montrer la différence...
Et puis, on ne peut pas enseigner la littérature allemande ni l'instruction civique et politique quand on porte un foulard... quand on affiche sa religion et ses positions... il n'est plus question de démocratie dans ce cas... on ne peut pas rester neutre...
Si elle enseignait les maths, la physique et la chimie, ce serait un moindre mal... et encore...
Affaire à suivre... parce que maintenant, la politique s'en mêle...