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La Voie lactée
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14 juin 2018

Nous courons, nous les femmes

Nous courons nous les femmes.

Ramadan tire à sa fin et il nous aura fait courir, cette année encore comme les autres, depuis des siècles. 
Nous courons nous les femmes, entre le four et le moulin, entre le dehors et le dedans, entre la violence et la douceur, entre l'amour et l'oubli, entre hier et demain, entre nos corps et nos âmes, entre le silence et le cri, entre la vengeance et le déni. 
Nous courons nous les femmes, depuis des siècles, derrière les papillons et les oiseaux, derrière nos ombres déformées, derrière nos miroirs voilés, derrière les hommes assis sur le livre, derrière nos ancêtres mécontents, derrière des cheveux au vent, derrière le vent. 
Nous courons nous les femmes, haletantes sur les chemins de nos libertés confisquées, en sueur dans la nuit sur les chemins de la vie de nos entrailles en pleurs, à nous rompre le souffle jusqu'à la fin des nuits obscures de l'esclavage. 
Nous courons nous les femmes, sans que personne ne remarque les millions d'années lumière que nous tentons de parcourir pour nous en sortir, sortir de nos tombes ouvertes sur le néant, sortir des cycles du temps d'antan, sortir du champ de vision de nos geôliers, sortir des livres de lois et des cahiers de comptes à rebours vers l'an zéro de l'archaïsme. 
Nous courons nous les femmes, car nous n'avons pas appris à marcher sur la terre de Dieu en sifflant, nous n'avons pas appris à flâner en humant l'odeur de la paix, nous n'avons pas appris à sortir des sentiers battus sans nous faire mal, nous n'avons pas appris à ralentir l'élan de nos jambes tremblantes sur la route du talion. 
Nous courons nous les femmes, depuis le premier jour où nous sommes nées par erreur ou par cœur, femmes. 
Nous courons nous les femmes, mais cela personne n'y peut rien et vous le savez, ni les menaces ni les promesses ne nous feront arrêter de courir ; après nos vies à moitié, après nos destins effacés, après nos noms oubliés, après nos gloires confisquées, après nos mémoires vivantes, après nos voix éteintes, après nos seins libres. 
Ramadan tire à sa fin, mais nous continuerons notre course effrénée vers un monde qui s'appelle HUMAIN, et ni la peur de votre obscurantisme aveugle, ni l'effroi que vos slogans ignobles provoquent, ni vos serments barbares, ni vos versets détournés, ni vos phallus brandis vers le ciel écartelé, ne nous feront arrêter de courir.
Nous courons depuis des siècles en silence, résolues et déterminées, nous agrippant les unes aux autres sans trébucher et sans tomber dans vos pièges taillés dans la pierre que vous avez à la place du cœur. 

14.06.2018

Amina MEKAHLI.
Écrivaine
Auteure de plusieurs romans
- Le secret de la Girelle
- Nomades brûlants

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