La robe blanche de Barkahoum
Je viens de finir la lecture de "La robe blanche de Barkahoum".
À mon avis, il s'agit plutôt d'une chronique sous forme de roman.
Un roman peut être autobiographique, ce n'est pas le cas.
Un roman est souvent fictif, ce n'est pas non plus le cas. Certes, les personnages sont fictifs, mais peut-on jurer qu'ils n'ont aucun lien avec des personnes ayant vécu ou existé ? En lisant l'histoire de Barkahoum, j'ai retrouvé beaucoup de femmes que j'ai connues et que je connais.
On ne peut pas inventer le personnage de Barkahoum, elle est réelle. Des frères comme les siens, il y en avait et il y en a encore, qui maltraitent leurs sœurs et les punissent parce qu'elles ont réussi là où ils ont échoué.
Des mères comme Z'likha, soumises et silencieuses, ne peuvent rien contre leur situation, leur génération a été a ainsi éduquée, et très peu ont osé se révolter et tenir tête a aux belles-mères.
Mais la société telle que Barkahoum la voit et la décrit, les mentalités qui la font souffrir, nous les avons connues et les connaissons encore, elles n'ont pas changé. Elles nous ont fait et font aujourd'hui encore souffrir toutes les femmes a algériennes et musulmanes qui ont du mal à se libérer du carcan de la religion et des traditions.
Barkahoum a choisi d'être libre, mais elle souffre quand même de ne pas avoir un mari et des enfants. Elle attend le "prince charmant", elle souhaite trouver "chaussure à son pied", malgré toutes les désillusions qu'elle a vécues.
Elle serait même prête à porter le hijab, si l'homme rêvé le lui demandait. En cela, elle rejoint nombre de femmes qui se sont soumises juste pour ne pas rester célibataires. Mais là où elle reste ferme, c'est lorsqu'il s'agit de son travail.
Compromis pour le hidjab, oui - même si cela va à l'encontre de ses convictions -, mais il n'est pas question de compromis en ce qui concerne son travail.
Pour en revenir à la chronique, c'est l'auteure qui s'exprime à travers le vécu de Barkahoum : qu'il s'agisse de la situation dans les hôpitaux, de l'éducation des garçons, de l'enseignement, de la religion, des mentalités et traditions, Farida Saffidine donne une image réaliste de l'Algérie des a années 1960 à nos jours.
À travers Barkahoum, elle montre du doigt, elle accuse, mais elle ne condamne pas. Au contraire, elle fait un plaidoyer pour inciter au changement, pour sensibiliser.
Un jour, peut-être, les hommes respecteront leurs sœurs et leurs épouses, un jour peut-être, les mères éduqueront leurs fils en leur apprenant que leurs sœurs sont leurs égales.
Barkahoum s'est résignée, elle sait qu'elle ne peut rien changer, et elle s'en va.
Mais Farida Saffidine est toujours là, elle n'abandonne pas, elle ne perd pas espoir, et elle nous donne de l'espoir.
Farida Saffidine, La robe blanche de Barkahoum, Editions Casbah, 2019