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La Voie lactée
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24 août 2009

Le citron

Hakim Laâlam dans Le Soir d'Algérie
Il a un humour extraordinaire, mais c'est triste... si triste...

Un petit moment de plaisir dans ce monde de brutes !
Par Hakim Laâlam 
Qu’est-ce qui a changé depuis l’Indépendance ? Nous sommes passés des porteurs de valises aux...

... distributeurs de couffins

250 DA ! Deux cent cinquante dinars le kilogramme. Et le marchand était tout fier de m’annoncer que ce prix-là était à la baisse, vu que deux jours avant ramadan, le citron était encore à 300 DA. Je lui ai gentiment demandé l’autorisation exceptionnelle d’en prendre un dans la main. Il a accepté, tout en me tendant un petit sachet en plastique blanc. Mesure préventive que je comprends parfaitement au demeurant et qui ne m’a nullement vexé. On ne prend pas un citron à 250 DA le kilo comme on prendrait une vulgaire carotte à 80 DA. Et donc, c’est la main enveloppée du sachet que j’ai délicatement soulevé le citron de l’auguste tas de citrons où il reposait. Premier constat. Il ne parle pas. Très honnêtement, à 250 DA, je me serais attendu à ce que ce citron me parlât. Ô ! Pas un grand discours ni une longue allocution. Mais juste un bref salut, en guise de présentation. Parce que moi, même avec la main enveloppée d’un sachet, j’ai tenu à me présenter : «bonjour ! Je suis Hakim et je voulais absolument toucher, caresser et causer un peu avec un citron avant de rentrer à la maison.» Rien ! Le citron n’était visiblement pas pressé de faire ma connaissance. Deuxième déception, en plus de ne pas parler, le citron était tout ridé. Fripé même. M’enfin ! A 250 DA, il aurait pu faire l’effort d’une petite chirurgie plastique, un lifting léger pour se refaire tendre la peau. Même pas ! Tout de même, ces stars et leurs caprices. Malgré le regard quelque peu réprobateur du marchand, j’ai approché mon museau du citron. Pas trop près, je sais ! Je ne suis pas fou au point de risquer de heurter un citron à 250 DA le kilo avec mes narines de manant. Je connais mes limites et mon rang, que diable ! C’est donc à 20 bons centimètres du citron — le cordon sanitaire obligé pour ce genre d’approche — que j’ai posté mon appareil olfactif. Je voulais capter, même de manière furtive, l’odeur nécessairement unique et magique, le parfum forcément divin qui devait se dégager d’un citron à 250 DA le kilo. Et là encore, une bonne grosse déception. Rien ! Ce citron ne sentait pas le citron ! Il y avait plus d’odeur de citron dans les jus de citron industriel que j’achète habituellement en supérette que dans ce citron-là à 250 DA. Quelque peu déçu, mais tout de même heureux d’avoir pu toucher et palpé doucement un citron à 250 DA le kilo, je l’ai reposé dans son écrin, j’ai vivement remercié le marchand et je lui demandé une dernière faveur. Celle de garder le sachet en plastique dans lequel j’avais enveloppé ma main avant de manipuler le citron. Ce genre de souvenirs ne se jette pas ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.

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