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La Voie lactée

La Voie lactée
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27 mai 2020

L'Algérie et la France

Je dis maintenant ce que je pense depuis hier, depuis que j'ai lu les premières critiques indignées.
Les gens en Algérie n'ont pas l'habitude du choix des émissions après des décennies de la seule et unique.
Ils ne savent pas filtrer, choisir ce qu'ils veulent regarder ou ne pas voir, décider du niveau d'une de télé, dicerner entre faits réels, entre reportage objectif et reportage tendancieux.
On connaît bien ca ici en Allemagne, et on choisit les chaînes qu'on regarde et celles qu'on ignore, comme les différents journaux aussi.
Jamais les intellectuels ne liraient le journal Bild (pire que France soir ou Ici Paris), ou regardent les infos sur PRO 7 ou RTL. On sait aussi que ces chaînes en ont après la Turquie, l'islam et la Russie, alors, on ne regarde pas leurs reportages, tout simplement.
Et je me demande pourquoi on regarde un reportage sur le hirak sur une chaîne francaise. Que va-t-elle nous apprendre de plus que ce que nous savons? Vous, vous êtes sur place, aux premières loges, que peut vous apporter ce reportage?
De plus, il faut aussi apprendre à accepter d'autres opinions, même fausses, et ne pas les considérer comme des attaques personnelles. C'est le principe de la liberté d'expression.
Chacun voit le hirak sous son point de vue, vrai ou faux, bon ou mauvais.
Vous avez tous posté des photos, écrit ce que vous avez vécu, cela a été lu et partagé tant de fois, les gens qui aiment l'Algérie savent parfaitement faire la part des choses. Alors pourquoi s'énerver, se fâcher, s'indigner pour un reportage de 3ème catégorie sur une chaîne de télé francaise de 3éme catégorie?
Pourquoi toujours prendre en considération ce que "LA FRANCE" pense de l'Algérie? Le plus important est ce que les Algériens font de l'Algérie et pour l'Algérie. Ce n'est pas öa France qui va changer la situation, que ce soit en bien ou en mal.
 
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20 janvier 2020

La robe blanche de Barkahoum

La-robe-blanche-

 

Je viens de finir la lecture de "La robe blanche de Barkahoum".
À mon avis, il s'agit plutôt d'une chronique sous forme de roman.
Un roman peut être autobiographique, ce n'est pas le cas.
Un roman est souvent fictif, ce n'est pas non plus le cas. Certes, les personnages sont fictifs, mais peut-on jurer qu'ils n'ont aucun lien avec des personnes ayant vécu ou existé ? En lisant l'histoire de Barkahoum, j'ai retrouvé beaucoup de femmes que j'ai connues et que je connais.
On ne peut pas inventer le personnage de Barkahoum, elle est réelle. Des frères comme les siens, il y en avait et il y en a encore, qui maltraitent leurs sœurs et les punissent parce qu'elles ont réussi là où ils ont échoué.
Des mères comme Z'likha, soumises et silencieuses, ne peuvent rien contre leur situation, leur génération a été a ainsi éduquée, et très peu ont osé se révolter et tenir tête a aux belles-mères.
Mais la société telle que Barkahoum la voit et la décrit, les mentalités qui la font souffrir, nous les avons connues et les connaissons encore, elles n'ont pas changé. Elles nous ont fait et font aujourd'hui encore souffrir toutes les femmes a algériennes et musulmanes qui ont du mal à se libérer du carcan de la religion et des traditions.
Barkahoum a choisi d'être libre, mais elle souffre quand même de ne pas avoir un mari et des enfants. Elle attend le "prince charmant", elle souhaite trouver "chaussure à son pied", malgré toutes les désillusions qu'elle a vécues.
Elle serait même prête à porter le hijab, si l'homme rêvé le lui demandait. En cela, elle rejoint nombre de femmes qui se sont soumises juste pour ne pas rester célibataires. Mais là où elle reste ferme, c'est lorsqu'il s'agit de son travail.
Compromis pour le hidjab, oui - même si cela va à l'encontre de ses convictions -, mais il n'est pas question de compromis en ce qui concerne son travail.
Pour en revenir à la chronique, c'est l'auteure qui s'exprime à travers le vécu de Barkahoum : qu'il s'agisse de la situation dans les hôpitaux, de l'éducation des garçons, de l'enseignement, de la religion, des mentalités et traditions, Farida Saffidine donne une image réaliste de l'Algérie des a années 1960 à nos jours.
À travers Barkahoum, elle montre du doigt, elle accuse, mais elle ne condamne pas. Au contraire, elle fait un plaidoyer pour inciter au changement, pour sensibiliser.
Un jour, peut-être, les hommes respecteront leurs sœurs et leurs épouses, un jour peut-être, les mères éduqueront leurs fils en leur apprenant que leurs sœurs sont leurs égales.
Barkahoum s'est résignée, elle sait qu'elle ne peut rien changer, et elle s'en va.
Mais Farida Saffidine est toujours là, elle n'abandonne pas, elle ne perd pas espoir, et elle nous donne de l'espoir.

Farida Saffidine, La robe blanche de Barkahoum, Editions Casbah, 2019

 

10 juillet 2019

Histoire de pastèque

Comme toujours, on reste sans voix , ou alors, on a les larmes aux yeux, en lisant un texte ou une histoire de Taous Aït Mezghat

 

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La pastèque, madame, est incontestablement la reine des fruits . C'est plus fort que moi, c'est mon péché mignon , c'est ma lubie . 
C'est que voyez vous madame, je n'ai connu son véritable goût que lorsque j'avais 12 ans, et ce fut un choc pour le jeune garçon que j'étais. Non pas que je ne l'avais jamais vue auparavant, non... c'est juste que mon père était le seul à avoir le droit de la découper, il prenait tout son coeur, vraiment tout le coeur et nous laissait la partie fade proche de l'écorce . Ma mère n'en voulait jamais , parce que voyez vous madame , mon père disait toujours "il ne manquerait plus que les femmes mangent le coeur" et ma mère n'aimait pas la pastèque de toute façon . D'ailleurs elle n'aimait rien , ni les fruits, ni la viande, ni les confiseries. Elle n'avait jamais faim non plus .
Donc durant toute mon enfance je n'aimais pas ce fruit moi aussi, jusqu'au jour où monsieur Hocine l'instituteur du village m'invita moi et trois autres bons élèves à manger chez lui. Sa femme Samia avait préparé un repas succulent, des plats dont je ne connaissais même pas les noms, et comme dessert elle nous présenta un immense plat de pastèque rouge comme le sang. En mettant quelques tranches dans mon assiette je sentis mon coeur battre très fort, trop timide pour leur dire que je ne voulais pas en manger et en même temps curieux de goûter à la partie bien mûre et juteuse que mon père se réservait. Puis je vis monsieur Hocine qui tendait une partie du coeur à sa femme et sans m'en rendre compte je répètais bêtement ce que j'avais toujours entendu "les femmes n'ont pas le droit de manger le coeur !!!" . 
Un moment de silence s'en est suivi et puis ce fut un éclat de rire retentissant .
"Mais qui t'a donc raconté ça ?" me demanda monsieur Hocine, et quand je lui eus narré ce que disait mon père, les rires fusèrent de plus belle. 
"Ton père est juste un goujat égoïste qui veut tout le coeur pour lui , c'est pour cela qu'il vous a inventé ces inepties " .
Tout le monde se tordait de rire, tout le monde sauf madame Samia. Elle me regardait, la bouche entrouverte, les yeux immenses embués et rougis, les mains crispées sur le bord de la table. Du haut de mes 12ans, je comprenais pourquoi les femmes du village ne l'aimaient pas, elle était trop bell , trop élégante, trop rebelle, trop bien pour leur misère. 
Elle me sourit enfin, se leva de table et me tendit un morceau du coeur du fruit. Ce fut une explosion de bonheur dans ma bouche; le coup de foudre , pour la pastèque et pour cette femme qui se tenait près de moi.
En partant, madame Samia nous donna à chacun une pastèque et nous demanda de la manger uniquement avec nos mères. J'ai appris plus tard qu'elle était sortie pour en acheter quatre et elle avait demandé au marchand de mettre la plus belle dans la glace. Pour ne pas me gêner devant mes copains elle en avait offert à tout le monde, mais seule la mienne était volumineuse et fraîche. 
En rentrant je trouvais ma mère dans la cour, les manches retroussées et la jelaba relevée jusqu'à mi-cuisses, le nez dans le bac à lessive. En me voyant, son visage s'illumina comme si elle venait d'avoir une vision extraordinaire. Le sourire creusant ses joues pâles, elle fit un signe du menton en désignant ce que je tenais à la main; je lui racontais que c'était la fête de la pastèque et que les garçons bien élevés devaient la partager seulement avec leurs mères. Elle fit un bond et courut à ce qui nous servait de cuisine pour chercher un couteau, découpa un grand morceau et se mit à le dévorer à pleines dents, le jus rosé ruisselant sur sa poitrine. On aurait cru qu'elle était possédée, dans un état second, et je vis ses larmes couler à chaque fois qu'elle mordait dans la chair avec passion . 
Je compris alors que ma mère aimait la pastèque, elle aimait manger et avait tout aussi faim que nous ses enfants, mais elle nous mentait pour nous laisser sa maigre ration . 
Sept mois plus tard elle mit au monde ma petite soeur Hassina, elle avait les joues rouge pastèque et ma mère me faisait un clin d'oeil à chaque fois que quelqu'un le lui faisait remarquer. La belle pastèque partagée en un moment d'envie, est longtemps restée notre secret . 
Et voilà pourquoi madame, la pastèque restera pour moi la reine des fruits, et le coeur je l'offre toujours à ma mère, à ma femme et à mes filles . Les femmes sont le coeur de la vie .

Mes respects, monsieur .

Bonsoir le monde, bonsoir l'humanité !!!

8 mars 2019

8 Mars 2019

Je vois sur facebook une photo. Des femmes en haïk qui manifestent au 21ème siècle. Pourquoi font-elles ça? Il y a quelques années, c'était pour protester contre le hidjab, montrer  que le hidjab n'est pas un vêtement algérien, ne fait pas partie de nos traditions. Le haïk, oui... Mais moi je dis, le haïk fait partie des traditions de nos mères et grands-mères, pas des nôtres.

En 1923, Hulda Scharawi, la présidente de l'Union des Femmes égyptiennes,  a provoqué un scandale en jetant de manière démonstrative son voile à la mer à son retour de la conférence internationaledes femmes à Rome. Elle a été la première femme, puis d'autres ont suivi, et e
n 1962, à l'indépendance, les Algériennes ont aussi jeté leurs voiles, seules les "vieilles" l'ont gardé, pour respecter la tradition. Mais nous, les femmes qui avons vécu après l'indépendance, nous nous sommes battues pour ne pas être comme nos mères et grands-mères. Nos mères se sont battues pour que nous ne soyons pas comme elles. Combien de femmes ont tenu tête à leurs maris pour que leurs filles aillent à l'école, au lycée, à l'université? Combien de femmes ont tenu tête à leur maris qui voulaient obliger leurs filles à rester à la maison et à se voiler... les mères étaient contre... Et nous avons étudié, nous avons travaillé et nous avons aussi voulu donner toutes les chances à nos filles d'être libres, sans voile.

Et voilà, aujourd'hui, au 21ème siècle, des femmes qui sortent dans la rue, voilées, en haïk... mais pourquoi? 

Excusez-moi, mais manifester en haïk, c'est un retour en arrière. Les femmes se sont/nous nous sommes battues pour ne plus le porter, et aujourd'hui, elles manifestent avec? Ce n'est pas normal! Retour aux traditions? Non, merci, c'est anachronique! Nous devons manifester la tête haute et le visage découvert. Désolée, mais je ne cautionne pas ce genre de manifestations.

 

5 novembre 2018

Khamja

Khamja 

Il pleuvait , il ventait et il faisait froid , il commençait déjà à faire nuit et je devais presser le pas . Ce n'est pas facile quand la boue arrive aux chevilles et que les ordures jonchent les trottoirs , mais j'avançais quand même avec précaution , le parapluie à la main comme un funambule sur un fil de soie . 
Aucun taxi n'avait répondu à mon appel , il faut dire que dans mon pays certains métiers hibernent et il fallait absolument rattraper le dernier bus pour Alger tout en réfléchissant en cours de route à ce qu'on pouvait faire à manger quand on n'a pas eu le temps de faire son marché . Et puis il y avait les godasses du petit que je n'avais pas encore achetées , son école qui commençait à rechigner , l'inscription au bac du cadet , le loyer , les papiers , ces foutus papiers qui tardaient , 4 ans de galère dans les couloirs sombres de la bureaucratie et je ne voyais toujours aucune lueur ...Lueur ,oh purée il y avait aussi la facture d'électricité à payer ! 
J'avançais ainsi perdue dans mes pensées , le parapluie malmené par le vent venait de me lâcher , quand j'entendis soudain une voix interpeller :

"assotri rohek yal khamja !!!" (Couvre toi sale pute !!!) .

D'habitude je ne fais pas attention , je ne réagis pas , j'ignore et je continue mon chemin sans me retourner ; c'était tellement récurrent de se faire insulter que nos oreilles ont appris à filtrer , nos cœurs sont devenus imperméables à l'agressivité et nos âmes insensibles face à l'infamie et la vilité .
Ce jour là je n'ai pas pu . Il ne pouvait s'adresser qu'à moi , jetais la seule femme dans la rue . Je me suis arrêtée un instant en révisant ma tenue : Bottes , long manteau , cache nez et chapeau . Mais que diable voulait il dire par couvre toi !? De quel droit s'adressait il à moi ?? Je devais comprendre et je suis revenue sur mes pas . Il était toujours là , adossé à la vitrine d'un magasin de chaussures ,un petit freluquet probablement de l'âge de mon aîné .
"C'est à moi que tu parles ? "
Surpris , les yeux exorbités , il ne s'attendait pas à ce que je revienne le questionner ; il lâcha les quelques poils de menton qu'il caressait , fît un mouvement de langue sous sa lèvre supérieure pour libérer sa chemma , la cracha , bomba son torse rachitique pour se donner de la contenance et rétorqua :

"Ih ntiya assotri rohek ! Khemejtou leblad yal khamjat ! " 
(Oui toi couvre toi ! Vous avez sali le pays sales putes !)

"10cm de cheveux d'une femme de l'âge de ta mère arrivent à t'exciter ? " 

"Ne mentionne pas ma mère ! Ma mère est respectable , elle porte le jilbab , pas comme les khamjate comme toi !"

L'incompréhension venait de céder la place à la colère et je sentais ma rage gronder . Petite on m'avait appris que si un mâle me harcelait il fallait viser l'entrejambe et frapper , que la douleur aux testicules allait le paralyser ; en grandissant dans ma société j'ai compris qu'un coup porté à ses vagins était tout aussi douloureux , car des vagins il en avait par procuration , celui de sa mère , de sa sœur , de sa femme et de toutes les filles de la famille étaient siens . 
Je sais que c'est injuste , que la femme ne devrait pas juger une autre femme , mais c'était plus fort que moi , je maudissais mon sexe qui engendrait ces parasites ; Je fixais le monticule de sa chemma qui se fondait parfaitement dans la boue et le carton marron devenu gluant sous la pluie et sans vraiment réfléchir je criais :

"Nedrab jedek ndekhlek fel vitrina ! Tu sais c'est qui la khamja ? Ta mère qui t'a chié au monde et qui ne t'a pas éduqué ! Ta sœur qui entretient un raté comme toi pour avoir la paix ! La femelle qui va accepter de copuler avec le rat que tu es ! La khamja c'est celle qui donne son cul en cachant son identité sous le voile de la pureté et qui rafistole une membrane garante de sa virginité ! 
Tu sais c'est qui aussi la khamja ? C'est cette rue pourrie qui t'a adopté ! C'est cette société putride qui a fait de toi le tuteur de toutes les femmes que tu peux rencontrer ! C'est l'école obscurantiste qui t'a formaté ! C'est l'imam inculte qui ne t'a appris qu'à mépriser et diaboliser le sexe opposé ! 
La khamja c'est toi , toi qui te complais dans la saleté , que les ordures , les égouts , la puanteur ne dérangent pas mais que 10 cm de cheveux arrivent à indigner !!! " 

J'avais vociféré tous ces mots sales dans un même souffle , ah si ma mère m'entendait , elle m'aurait savonnée ; mais la pression et la fatigue mêlées à la colère et le sentiment d'injustice m'avaient fait perdre tout contrôle sur mes nerfs et ma bouche voulait juste se venger . 
Il était devenu vert , les yeux rougis , les poings crispés et ses dents gâtées grinçaient , il bégayait des injures sans arriver à formuler une phrase cohérente , il avait clairement très mal , tout aussi mal que si je lui avais asséné un coup de pied aux couilles qu'il n'avait plus . 
Je tremblais , je ne sais plus si c'était de froid , de peur ou si c'était la rage qui m'ébranlait , mais je tremblais . Je tenais mon parapluie aux branches désarticulées comme on tiendrait une épée , prête à décapiter la bête blessée qui avançait , quand soudain une main l'attrapa au cou et l'immobilisa . C'était le propriétaire du magasin qui venait de sortir , je ne savais pas encore s'il craignait pour sa vitrine ou s'il était juste un homme intègre comme il n'en existe que très peu désormais . Je regardais les pieds du jeune qui se débattaient à vingt centimètres du sol , il venait de le soulever d'un seul bras et le coller contre le mur .

"Roh tekhemdem khir ma tahgar enssa w yemak tedrab enechaf 3and enass ya wahed errkhiss" 
(Va travailler au lieu de harceler les femmes pendant que ta mère se tape la serpillière chez les gens espèce de vaurien !)

Il lâcha le pauvre diable et lui asséna un coup de pied qui ne l'atteignit même pas mais qui réussit mystérieusement à le faire trébucher . Couvert de boue , il traversa la rue en courant et alla se réfugier dans la mosquée Qabaa qui appelait à la prière d'El 3icha .

"Semhilna tbiba" 

Le marchand de chaussures me demandait pardon , au pluriel ; je ne sais pas s'il le faisait au nom de tous les hommes , au nom de sa commune , au nom du pays , au nom de la société ou au nom de toutes les injustices subies . Je sais seulement que je pleurais , je ne sais pas non plus si je pleurais de reconnaissance , de fatigue , de rage ou de douleur d'être femme , mais mes larmes pleuvaient . 
Je repris après cela mon chemin en pensant à toutes les "khamjate" de la nation qui comme moi triment pour survivre et à ce que je pourrais faire à manger , aux godasses du petit , aux charges de son école , au baccalauréat du cadet , au loyer , aux papiers , à la facture d'électricité et .....à un nouveau parapluie .

Bonjour le monde , bonjour l'humanité !

Taous Aït Mezghat

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28 août 2018

Farida Saffidine: hchemna

On nous a menés en bateau au lendemain de l'indépendance. Hchemna, magoulna walou.
On nous a menti sur nos ancêtres et notre histoire. Hchemna ma goulna walou.
On nous a baladés avec l'arabisation menée à la hussarde, hchemna ma goulna walou. 
On a bradé nos richesses et notre patrimoine au dinar symbolique ma goulna walou.
On a bourré les urnes et parlé en notre nom, ma goulna walou.
On a envoyé nos jeunes se faire tuer chez nous et ailleurs, ma goulna walou. 
On a bousillé l'éducation de nos enfants de la crèche à l'université, sketna we 3amlin ma chefnache we ma rinache.
On a achevé nos malades dans des hôpitaux sales et mal équipés, bkina we ma hdarnache.
On a marginalisé nos valeurs ancestrales et érigé la médiocrité en vertu nationale, derna rouhna ma fhemnache sketna we ma goulnache.
On a récompensé l'incompétence, hissé les chyatines sur des podiums, bourré les urnes pour maintenir les mafieux et les haggarines aux plus hauts postes, safegna we zeghretna m3ahoum.
On nous a humiliés en nous présentant une hypothétique carotte tout en brandissant un vrai gros, grand bâton pour les récalcitrants, louwemna les récalcitrants en les accusant de traîtres. We sketna we derna rwahna ma fhemnache.
On nous a fait manger de l'herbe et on nous a refusé le yaourt, klina lehchiche m3a kbechna we goulna bâ3 ma3a el enn3adj.
On nous a dit de serrer la ceinture alors qu'elle était déjà au dernier cran, serrinaha we ma goulnach lala.
On nous a fourgué le rébus du monde entier en biens de consommation et équipements de tous genres y compris l'alimentaire et le médicament, selekna souma ghalia we sketna we ble3na ghoussatna walou ma goulna.
On nous a bernés avec la réconciliation nationale, lguina rwahna noutoulbou fess'mah men elli katlou wladna.
On nous a raconté des bobards sur notre révolution, nos chouhada et notre histoire, radedna akadhibhoum we sketna wa ghalletna wledna.
On a forcé à l'exil notre élite et nos têtes pensantes, dawerna rissan na wa 3melna rwahna ma fouknache.
On a malmené, menacé, frappé, emprisonné nos enseignants, nos étudiants, nos médecins
Tkhabina fi diarna we ble3naha we sketna.
On a kidnappé et violé nos bambins et fillettes qu'on étrangle et qu'on jette dans des sachets poubelles, bkina fi diarna we sakerna biban na 3la segharna.
On a poignardé nos jeunes et nos hommes pour une poignée de dinars, essakhtna we walou ma derna.
On a agressé nos femmes dans la rue en plein jour et en public, dareg'na rwahna be eddine wel3adate we takalid ente3 le3rab we bererna bi charef erradjelettes. 
Goulouli ya chaab edzayer li ettawlou lssan koum ghir fi n'ssakoum wa houkm echar3 fi bladkoum 3alli ma yessalich we ma yessoumech, yadjouz we la yadjouz, halal wa harem, cheddin fi chakliat we nassiyine fi dinkoum enniyate wa rouhaniya we koudoussiat el insane, quand allez-vous réagir pour rétablir la vérité, le droit, la justice, la tolérance, le respect de l'autre, l'espoir, la sécurité, les valeurs morales universelles, l'égalité de tous, la valeur du travail bien fait, l'honnêteté et l'intégrité, la quête du savoir et de la science, l'entraide et j'en passe.
Hechemna, sketna, ma goulneche, ma khredjnech , ma dafe3nch sbahna nchemmou fel fouha ente3 el choléra habta men el 3assima we rayha t3oum 3la dzayer kamla.
Hna khir men la Suède, l'Allemagne wel marikan we França, hna manahachmouch men el choléra ki welli issoud fi bladna. 
El choléra klil 3lina, telikenna bomba temhina men sat'h el ardh, la roubamma iwelliw yenbtou men 3roug chouhadana el abrar redjel kima Larbi BenMhidi, Benboulaid we Abane Ramdane.

28 août 2018

Taous Aït Mezghat: Jumuâa mubaraka

Jumuâa mubaraka

-Le choléra est un châtiment de Dieu au peuple qui s'est éloigné de sa voie et qui oublie de l'invoquer à chaque pas .
-Le choléra est aussi un don de Dieu car Dieu quand il aime un peuple il l'accable .
-La prévention est simple : 7 dattes le matin , les deux derniers versets de sourate el baqara et beaucoup de Douâas avant le crépuscule . 
-Traitement selon les directives de la médecine prophétique , beaucoup d'eau bénie avec une roqia 
-En cas de décès : dire el hamdoulah . 

Je vous jure que ce n'est ni une plaisanterie , ni une parodie , ni de l'ironie ....ce sont les termes exacts du prêche du Vendredi diffusé à fond dans mon quartier Telemly .

Adieu le monde , Adieu l'humanité .

23 août 2018

Taous Aït Mezghat: Aïd d'enfant et saute-mouton !!

Aïd d'enfant et saute-mouton !!

Petite je n'avais pas vu beaucoup de moutons à Alger, nous n'avions pas les moyens d'en sacrifier et ceux qui le faisaient se montraient très pudiques et discrets . 
En ce temps là les moutons ne se promenaient pas dans les boulevards et avenues , ne se battaient pas dans la rue , ne semaient pas leur crotte dans les escaliers , ne pissaient pas dans les ascenseurs et ne mangeaient pas leur foin sur les palliers . Ils étaient probablement apprivoisés à ne pas se conduire comme des cochons ....ou alors ce sont leurs propriétaires qui étaient simplement éduqués . 
C'était le temps des restrictions , des pénuries et des rationnements ; acheter un mouton pour les familles de fonctionnaires que nous étions était perçu comme un étalage de richesse et de l'exhibition .
Je me souviens particulièrement d'un Aïd El Kebir , je devais avoir 7 ou 8 ans ; j'accompagnais ma mère au marché du Champ de manoeuvres (je n'ai jamais compris pourquoi aller aussi loin alors que celui de Clauzel était beaucoup plus proche du quartier de la Grande Poste où nous habitions, mais bon ! )...En traversant la rue Hassiba Ben Bouali pour rentrer , mes petits bras écartelés par le panier trop lourd que je portais , je levais les yeux au ciel lui demandant pourquoi maman me choisissait toujours pour cette corvée ( il faudra qu'elle m'explique un jour ça aussi ! ) , et c'est alors que je vis une masse blanche et frisée en tomber et atterrir sur une voiture stationnée . C'était un mouton . Mais non ce n'était pas une réponse du ciel ni le don d'un Dieu clément , il venait simplement d'un balcon .
"Ya settar !!! Ya settar !!!" criaient les gens qui accouraient de toute part . 
"On peut encore le sauver !! Il est toujours vivant !!!" 
"Appelez Dahmane ....Que quelqu'un ramène Dahmane !!" 
Moi je restais sur place , pétrifiée , mon coeur battant très fort et implorant Allah que le fameux Dahmane arrive à temps pour secourir le beau bélier aux cornes ondulées. 
Dans ma tête de gamine mille questions et auto-réponses se bousculaient :
Comment sauve t'on un mouton blessé ?? 
Sûrement comme pour les humains par ambulance il sera évacué !! Oui mais je n'entendais pas de pin pon pin pon arriver !
Peut être que Dahmane allait venir de l'hôpital Mustapha juste à côté !? 
C'est cela ! Il devait être médecin ou infirmier ! Oui mais alors ....pourquoi maman n'a pas bougé pour aider ? C'était pourtant son domaine , la santé !

Maman avait déposé ses paniers , elle me tendait un flan pâtissier qu'elle venait d'acheter ( le meilleur d'Alger ! ) ....il paraît que j'étais devenue aussi pâle qu'un papier (ironique pour la kahloucha que j'étais ) , il fallait me revigorer ...
La foule continuait à s'agglutiner autour du blessé mais je pouvais encore l'entrevoir , un filet de sang suintant de sa narine ; il ne se débattait plus , respirait avec peine et sur le point de partir. ....quand soudain surgit un géant !! ( du moins c'est ce que voyaient mes yeux d'enfant ! )
À bout de souffle , les cheveux en bataille , tricot de peau et pantalon retroussé ( inapproprié pour un soignant même pour animaux , j'avais pensé .....et puis il faisait un peu frisquet ! ) ; le géant faisait signe aux badauds de se disperser pour le laisser passer. Aux mines soulagées j'avais compris que c'était le Dahmane tant attendu !! 
"El hamdoulah !! " 
Ma petite cervelle continuait à bouillonner : 
Comment mon géant allait il sauver le blessé ? Peut être allait il lui masser la poitrine, j'avais vu ça dans un film !!
Peut-etre même qu'il lui ferait du bouche à bouche ! ? Beurk. ......c'était un mouton et puis il y avait du sang. 
D'ailleurs où était sa trousse de secours et les pansements ? !

Le mystère ne dura pas longtemps , quand d'un seul coup de couteau bien aiguisé , le géant trancha la gorge du mouton . 
"Ya3ttik essaha !! Ya3ttik essaha !!" qu'on lui disait en le félicitant ; mais moi je ne comprenais plus rien en regardant la mare de sang : 
Il l'a égorgé ? .......mais ils disaient qu'on allait le sauver ! N'est ce pas maman ? 
Ma mère en colère parce que j'avais fait tomber mon flan sous l'effet de la surprise me répondit sèchement : 
"C'est sa viande qu'on sauve idiote ! Il fallait l'égorger avant qu'il ne rende l'âme pour qu'elle soit propre à la consommation !
Tu sais combien coûte un mouton ?! Hein , tu ne ne le sais pas ? " 
Et les côtelettes qu'il y a dans ton panier, tu crois que ça pousse comme le blé ? Et le foie que tu aimes tant , tu crois que ça vient des vergers ?! Hein ? Réponds ! "

Non je ne comprenais pas ....je regardais les gens qui venaient féliciter l'homme de la situation. ...et puis cette femme en jebba rouge qui se frappait le visage et hurlait de son balcon comme si elle venait de perdre son enfant ; elle était en bas à présent , la jebba toujours retroussée , retenue par les élastiques de sa culotte (ne me demandez pas pourquoi , secret culturel) , elle était descendue en trombe et remerciait vivement entre deux sanglots le superman qui venait de la sauver en sauvant (???) son mouton .
"Que Dieu te récompense ya khouya Dahmane ! Ya kheda3ti ! Ya wakhdi ! Ton oncle Mohamed m'aurait égorgée moi si le mouton était perdu ! " 
Dahmane en bon wlid el houma lui embrassa la tête en l'invitant à remonter chez elle pour préparer les bassines et beaucoup d'eau (et oui c'était du temps où les robinets sifflaient plus que ne coulaient ).........mais oui bien sûr que lui et les voisins allaient s'en occuper ......mais oui bien sûr qu'ils allaient tout monter à la terrasse , dépecer et nettoyer avant que 3ammi Mohamed ne soit rentré ........mais non elle n'avait pas à s'inquiéter !
Elle continuait quand même à se justifier , culpabilisant d'avoir failli à ses responsabilités . Le makrout , les enfants , le ménage , elle ne pouvait pas être au four et au balcon ! Comment diable ce sacré mouton a t'il pu se libérer pour se jeter du 4ème étage ! Wlid lahram il paraissait pourtant docile et sage ! 

C'était la première et dernière fois que je voyais un mouton égorgé dans une rue à Alger ; mais de temps en temps j'entendais parler d'un autre mouton qui aurait sauté d'une fenêtre ou d'un balcon dans tel ou tel quartier. Je me disais alors que ces moutons rebelles préféraient risquer la mort en quête de liberté plutôt que de rester liés pour être sacrifiés ; et à chaque fois que j'entendais celui de nos voisins du dessous enfermé dans la salle de bain tristement bêler, je lui chuchotais de notre fenêtre : "Saute mouton , saute !! " . 

Saha Aidkom , l3id amervouh , bonne fête le monde et l'humanité !!

23 août 2018

Amina Mekahli: Idkoum mabrouk

Pourquoi devrais-je me remettre en question, aujourd'hui à cinquante et un an, sur mes traditions que j'aime, sur mes repères qui éclairent ma voie et lui donnent un sens, sur mes souvenirs d'enfance et sur toutes ces belles choses qui font mon tout ? 
Une espèce de honte bue, de déni maladroit, de rejet (vomi) de ce qui peut-être a été mal digéré, une émancipation vers le vide des mémoires collectives ; voilà ce qu'est devenu tout ce qui m'a construite depuis un demi siècle. 
Je n'ai pas envie de recommencer à zéro pour tenter d'aimer ce que je ne connais pas, qui n'est pas moi, qui ne me parle pas...plus que tout ce qui est en moi, si précieux. Et pourquoi le ferais-je ? 
Dire "Saha idek" est devenu "Has been", fêter nos fêtes est devenu polémique, est devenu fade et sans âme. 
Enfant, j'aimais embrasser les mains de mes grand-pères, le front de mes grand-mères, les joues dodues de tous les enfants que je croisais en disant "idek mabrouk" aux miens, à des inconnus, à tout le monde...
Et aujourd'hui encore, j'appelle ceux que j'aime, des amis m'ont appelée au téléphone (certains qui ne l'avaient pas fait depuis l'Aid dernier), des voisines sont venues frapper chez moi avec des gateaux, un pain chaud ou un plat fumant, j'ai rendu aussi (il ne faut jamais renvoyer une assiette vide), des enfants dans l'espoir de récolter quelques pièces m'ont offert leur plus beau sourire...
L'Aid c'est aussi de l'amour, de la générosité, de la solidarité, des familles nécessiteuses (qui attendent ce jour pour offrir des grillades à leurs enfants une fois l'an, et oui il en existe beaucoup), des bouchers qui distribuent des quartiers de viande aux mains tendues...
Je vis mon Algérie à l'ombre des âmes solidaires qui m'empêchent chaque jour de me brûler les ailes en frôlant un soleil qui brille tellement loin de mes simples attentes d'une vie parmi les miens...dans les petits villages et les petits douars...
Saha idkoum

Amina MEKAHLI.

14 juin 2018

Nous courons, nous les femmes

Nous courons nous les femmes.

Ramadan tire à sa fin et il nous aura fait courir, cette année encore comme les autres, depuis des siècles. 
Nous courons nous les femmes, entre le four et le moulin, entre le dehors et le dedans, entre la violence et la douceur, entre l'amour et l'oubli, entre hier et demain, entre nos corps et nos âmes, entre le silence et le cri, entre la vengeance et le déni. 
Nous courons nous les femmes, depuis des siècles, derrière les papillons et les oiseaux, derrière nos ombres déformées, derrière nos miroirs voilés, derrière les hommes assis sur le livre, derrière nos ancêtres mécontents, derrière des cheveux au vent, derrière le vent. 
Nous courons nous les femmes, haletantes sur les chemins de nos libertés confisquées, en sueur dans la nuit sur les chemins de la vie de nos entrailles en pleurs, à nous rompre le souffle jusqu'à la fin des nuits obscures de l'esclavage. 
Nous courons nous les femmes, sans que personne ne remarque les millions d'années lumière que nous tentons de parcourir pour nous en sortir, sortir de nos tombes ouvertes sur le néant, sortir des cycles du temps d'antan, sortir du champ de vision de nos geôliers, sortir des livres de lois et des cahiers de comptes à rebours vers l'an zéro de l'archaïsme. 
Nous courons nous les femmes, car nous n'avons pas appris à marcher sur la terre de Dieu en sifflant, nous n'avons pas appris à flâner en humant l'odeur de la paix, nous n'avons pas appris à sortir des sentiers battus sans nous faire mal, nous n'avons pas appris à ralentir l'élan de nos jambes tremblantes sur la route du talion. 
Nous courons nous les femmes, depuis le premier jour où nous sommes nées par erreur ou par cœur, femmes. 
Nous courons nous les femmes, mais cela personne n'y peut rien et vous le savez, ni les menaces ni les promesses ne nous feront arrêter de courir ; après nos vies à moitié, après nos destins effacés, après nos noms oubliés, après nos gloires confisquées, après nos mémoires vivantes, après nos voix éteintes, après nos seins libres. 
Ramadan tire à sa fin, mais nous continuerons notre course effrénée vers un monde qui s'appelle HUMAIN, et ni la peur de votre obscurantisme aveugle, ni l'effroi que vos slogans ignobles provoquent, ni vos serments barbares, ni vos versets détournés, ni vos phallus brandis vers le ciel écartelé, ne nous feront arrêter de courir.
Nous courons depuis des siècles en silence, résolues et déterminées, nous agrippant les unes aux autres sans trébucher et sans tomber dans vos pièges taillés dans la pierre que vous avez à la place du cœur. 

14.06.2018

Amina MEKAHLI.
Écrivaine
Auteure de plusieurs romans
- Le secret de la Girelle
- Nomades brûlants

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